Nous Tziganes

THÉÂTRE / MUSIQUE

texte et mise en scène

Jean-Claude Seguin

(paroles de femmes gitanes, manouches et roms)

avec

Marie Grudzinski

comédienne

Alexandra Beaujard

chanteuse, accordéoniste, danseuse

Thomas Kretzschmar

violoniste

scénographie  Blandine Vieillot

lumières  Nicolas Simonin

création sonore  Andrea Cohen

costumes  Marie Grudzinski et Philippe Varache

Durée du spectacle  1h10

Si vous vous projetez dans la vie d’un autre, il vous sera difficile de le détruire. Puisque cet autre, c’est vous.

Toni Morrison, Prix Nobel 1993.

Les nomades n’ont pas d’histoire, ils ont seulement de la géographie.

Gilles Deleuze, Dialogues

À la découverte d’une culture

L’ignorance qui pèse sur ce peuple divers, souvent rejeté, dont l’identité, miraculeusement, s’est préservée au cours des siècles… un peuple qui, sans se complaire dans les douleurs du passé, a toujours vécu au présent, intensément… c’est tout cela, sans compter le désir d’aller à la rencontre de cette culture orale, si étonnante pour nous, si méconnue, si déroutante aussi, qui fut à l’origine du projet.

Une installation à vue

Les Tziganes. Comment leur donner vie sur un plateau de théâtre en oubliant ce qui les meut : la musique ?

Un spectacle théâtral et musical, donc, pour une comédienne, une chanteuse-accordéoniste-comédienne et un violoniste, où texte, chant et musique se mêlent et s’entremêlent. Un trio, au sens musical du terme.

Un spectacle techniquement léger, nomade, qui s’adapte à des lieux différents, où la scénographie est plutôt un habitat éphémère, une installation sous les yeux du public : pas de décor implanté au départ.

Un spectacle nourri, aussi, de cette vitalité qui, par-delà tous les malheurs subis, reste sans doute le caractère le plus étonnant de cette communauté. Un spectacle, donc, qui allie la dimension festive et la force d’une parole libre.

Pas de quatrième mur : les comédiens s’adressent aux spectateurs. Marie Grudzinski incarne Maria, une matriarche manouche.

La chanteuse Alexandra Beaujard incarne Sevda. Avec l’accordéon, la voix ou la danse, elle relaie la parole de Maria, exprimant au-delà des mots le lyrisme, la mélancolie, de ce peuple dionysiaque. Son sens de la fête, aussi. Elle puise aux sources d’une musique principalement roumaine. 

Thomas Kretzschmar, violoniste, incarne Drago, l’homme auquel les deux femmes se réfèrent souvent. Il s’exprime plus par les sons que par les mots.

Je est un autre…

L’inconnu fait peur, la différence effraie. Le Rom semble un être à part. Étrange autant qu’étranger. Trop semblable pour laisser indifférent et trop différent pour être notre semblable.

Évangeline Masson-Diez, Micha, Elena et les autres.

« Cette parole, pour moi, doit être celle d’une femme en rébellion, parfois même contre sa propre communauté, où les hommes règnent en maîtres.

Une femme pleine de vie et de colère, qui aime à rire, à faire la fête, qui n’a pas la langue dans sa poche. Une femme qui parle d’elle, de sa vie, de ses proches, de ses morts. Pour écrire ce texte, je puise à de nombreux témoignages écrits et oraux de femmes gitanes, manouches, tziganes, mais la femme qui parle, sans fard, ne s’exprime qu’en son nom propre.

Alors que, avec la fin programmée du nomadisme, tout un pan de la mémoire tzigane est en train de disparaître, Maria prend la parole. Librement. Elle veut aller aussi contre les préjugés des gadjé, qui ne savent rien de ces bohémiens dont ils ont toujours fait des boucs émissaires. 

À cette femme je veux donner une parole vraie ; poétique ; rugueuse aussi, voire sauvage : c’est une autodidacte qui s’exprime avec des mots simples, colorés. Dans ses propos, enfin, aucun angélisme. « Chez nous aussi il y a des méchants », disent parfois les Tziganes. »

Jean-Claude Seguin

AVIGNON / REVUE DE PRESSE

LA PROVENCE, Brigitte Borel

Ce spectacle retrace l’histoire mouvementée des Tziganes. Les trois acteurs dansent, chantent, avec une énergie communicative. Un spectacle attachant dont on sort avec un regard différent et des airs endiablés plein la tête.

VOYAGE EN BOHÊME

C’est une histoire de départ, d’adieux, de déracinement. Elle fascine autant qu’elle déroute. À ne pas manquer.

Marie Grudzinski parle au nom de Maria, mère de famille manouche. Elle nous livre son histoire, sans complaisance, y entremêlant des anecdotes touchantes, tristes, tendres.

Révoltée, elle échappe à un discours victimaire, révélant tantôt les forces, tantôt les faiblesses d’un peuple trop oublié.

La mise en scène est polyphonique ; entre les interventions de la conteuse Maria, la musique devient un acteur à part entière.

C’est la musique de la fête, de la convivialité, qui est aussi empreinte d’une profonde mélancolie.

Cette initiation au voyage tente de faire tomber les barrières mentales, créées sur la peur de l’autre, de l’inconnu, sur l’ignorance finalement.

C’est surtout le récit d’une quête de vie, ou plutôt de survie, enragée, d’une nécessaire transmission ; l’interrogation revient, obsédante et tragique : « Qu’est-ce qu’on va laisser à nos enfants ? »

Le spectacle, construit à partir de témoignages de femmes manouches, nous offre une ode à la vie, à la nature, à cette grâce du dénuement, à cet esprit vagabond et nomade. « Nous, on a le ciel. »

RUE DU THÉÂTRE, Anouck Pellet

Maria conte à ravir. Elle nous parle de son grand-père, de ses parents, de sa propre vie. Par son apparence et son regard, elle incarne la Femme tsigane. Sevda chante. Elle rit. Elle est chaleur et gaieté. Drago, bien moins bavard, témoigne de l’homme tsigane. Comme on gagne à écouter ce que ce peuple a à dire… Constamment blâmé, laissé pour compte, chassé, méprisé. « À l’heure de la fête, tout le monde veut être gitan. Après la fête, tout se gâte. » Être tsigane, c’était vivre libre. C’était aussi vivre sans eau ni électricité. C’est tant de choses qu’on ignore. Une magnifique pièce de théâtre comblée par le chant et la musique de ces gens qui « ont besoin d’un rythme pour travailler », « qui ont la fête dans le sang ».

AVI CITY NEWS, Gaétane Lefevre

Une belle pièce pour rendre visible… ce qui est visible (et que l’on refuse de voir).

À travers le parcours d’une femme et de sa famille, le texte très fort et très dense dévoile devant nous le mystère de ces Français tziganes, patriotes mais jamais vraiment intégrés, de ces nomades toujours expulsés et suspectés, mais aussi les contradictions à l’intérieur de la communauté entre la parole donnée, l’honneur et les tentations du mensonge et de la violence. Tout cela se déploie dans une magnifique scénographie au cœur d’un fouillis d’objets récupérés. Que résonnent le violon et les chants et que les Tziganes dansent grâce à l’interprétation vibrante et émouvante de ces trois interprètes !

LA VIE, Frères Thierry et Nicolas

Nous Tziganes est bien plus qu’un acte théâtral, c’est un acte politique et citoyen. C’est un vrai travail d’ethnologue qu’a accompli Jean-Claude Seguin en récoltant la parole des femmes tziganes. Il a créé une histoire de famille, contée par Maria (Marie Grudzinski, touchante de vérité dans son interprétation). Elle se fait le passeur de cette culture, de l’histoire de ces voleurs de poules ainsi que des camps de concentration. Sur le plateau, les musiciens illuminent le propos par leurs chants et musiques. Ce trio nous emporte alors bien loin de là et le camp qui se construit sous nos yeux, petit à petit, ouvre notre horizon. Cette proposition n’est pas donneuse de leçon mais témoigne de cette culture méconnue. Nous Tziganes nous donne l’occasion de voir ces citoyens de notre Europe.

BOUDOIR DU OFF — Laurent Bourbousson

SALLE COMBLE POUR UN VOYAGE AVEC LES TZIGANES

Spectacle chargé d’émotion, public séduit. Devant une salle comble, les trois comédiens et musiciens ont donné à voir l’histoire des Tziganes : la vie sur les routes, leurs douleurs et leurs joies mais surtout leur fierté, leurs valeurs. Cette répétition publique, tout en humour et sensibilité, a clos en beauté la saison culturelle.

OUEST FRANCE